jeudi 20 mars 2008

Ces recrues qui ne font pas l'affaire après la période d'essai

La galère des erreurs de casting :

Les entreprises ont l'impression que le candidat va se couler dans le moule. Mais ce
n'est jamais gagné d'avance. »


Enquête. Que faire quand ça ne va pas avec le nouvel embauché ? L'Entreprise a rencontré des dirigeants aux prises avec ces recrues qui ne font pas l'affaire après la période d'essai. Pour la plupart, c'est la galère.
"L'Entreprise n° 0208" Paru le 01/01/2003


Depuis la publication de cet article, le taux de réussite d'intégration d'un candidat après la période d'essai ne s'est guère amélioré.

Jusqu'ici, personne encore n'avait envisagé l'étude des inter-relations entre le candidat et ses futurs collaborateurs. Les résultats obtenus aujourd'hui sont très parlants. Symbiosis-Iwp en a fait le coeur de son métier !!!


Au début, tout se passait bien... » Benoît Volatier et Assaël Adary, les fondateurs d'Occurrence (une société de mesure d'impact de la communication des entreprises), ne sont pas prêts d'oublier leur premier recrutement. « La nouvelle chargée d'études paraissait motivée, sérieuse, dynamique. Mais, après quelques mois, son travail s'est fait moins rigoureux. De manière sporadique, elle rédigeait de mauvais rapports, accumulait approximations et contresens. » Jusqu'à la bourde. Après une réunion avec un client important, on lui demande de modifier le questionnaire d'une enquête. « Elle a oublié, reprennent les deux associés. Le client était furieux. Nous nous sommes séparés d'elle. »

Une vraie déception... et qui coûte cher

Plus fréquentes qu'on ne le pense, ces erreurs de casting battent en brèche l'adage selon lequel « les cadres restent trois mois, trois ans ou trente ans » dans la même entreprise. Beaucoup restent plus de trois mois et pas tout à fait un an. Le phénomène est difficilement quantifiable, mais les nuisances qu'il entraîne sont nombreuses : équipes déstabilisées, licenciement, fût-il négocié, réorganisation...
De quoi remettre en cause son management, en tout cas la façon dont on embauche et intègre les « nouveaux ».

Certains « loupés » laissent un goût amer. « Lorsque j'ai voulu ouvrir une filiale en province, j'ai recruté quelqu'un à la personnalité très agréable. Les trois premiers mois, il ne se passait pas grand-chose, mais je considérais que c'était normal. L'activité démarrait. Le quatrième mois, inquiet, je suis allé sur le terrain. Il n'avait rien fait. En revanche, il était très connu des bars et boîtes de nuit des environs », témoigne l'ex-dirigeant d'une société de services aux entreprises. Un recrutement coûte cher : de 15 à 35 % du salaire annuel lorsqu'on passe par un cabinet ; entre 10 et 20 % via l'intérim. A ce tarif, multiplier les bourdes devient vite insupportable. D'autant qu'elles brisent l'image de l'entreprise. En outre, « lorsque ces erreurs surviennent après la période d'essai, on perd la faculté de rompre le contrat de travail sans motif, sans procédure et sans indemnités », souligne Me Jilali Maazouz, avocat au cabinet Couderc Frères. Elles débouchent sur des transactions ou des procédures longues et coûteuses. Raison de plus pour gérer ces ratés avec soin.

Ces mésaventures surviennent surtout lorsqu'on s'occupe seul de l'embauche, plutôt que d'y associer d'autres responsables de l'entreprise, voire de faire appel à des professionnels du recrutement. « Je fonctionne à l'affectif. J'ai choisi le premier candidat qui me semblait valable, en me fondant non sur des critères objectifs mais sur les relations que j'entretenais avec lui », témoigne le fondateur d'un centre d'appel. Il s'est « gouré » dans le choix du responsable de son plateau. Et a traîné ce boulet pendant un an.

La sanction d'un management approximatif.

Les dirigeants sont en fait peu préparés à ces missions. « Trop souvent, ils font confiance à leur flair et abordent les entretiens d'embauche sans préparation méthodique », poursuit Me Maazouz. « J'ai récemment fait mener à des dirigeants de PME des entretiens pour voir comment ils s'y prennent, raconte un formateur, à Sophia-Antipolis. Ils parlent les trois quarts du temps et n'écoutent pas les candidats. Du coup, ils sont incapables d'émettre un avis. ».

Autre erreur fréquente : une description de poste pas assez précise ou une présentation trop idéale de l'entreprise. Résultat, dès que le candidat commence à goûter la réalité du terrain, il se sent lésé et file ventre à terre. « Le plus difficile dans le recrutement ? C'est de ne pas se tromper, assure Jacques Collonge, le PDG d'Eliokem. Si un cadre quitte la société avant trois ans, je me dis que je me suis trompé lors de son embauche, que je lui ai mal expliqué ce qu'était l'entreprise. »

La mésentente n'est jamais sans incidence sur le travail du collaborateur et les résultats de l'entreprise. Comment réagir une fois l'incompatibilité constatée ?
Surtout ne pas laisser pourrir la situation.

Il n'est jamais facile de reconnaître ses erreurs. Mais, en cas d'insatisfaction, « le pire serait de laisser pourrir la situation et de ne rien dire. Il faut immédiatement remplacer la personne qui ne convient pas », assure Bruno Guerre, consultant en finance chez A2C Management. C'est parfois vital. « J'ai récemment aidé un grand groupe coté en Bourse à rapprocher deux filiales, reprend-il. J'avais placé à mes côtés un directeur général issu du groupe. Au bout de deux mois, il s'est montré incapable de fonctionner dans une petite structure. Il n'était pas assez prompt à prendre des décisions. Il nous fallait quelqu'un qui agisse vite. J'ai hésité trois semaines, puis nous avons trouvé une porte de sortie financière. »
La séparation reste en effet la meilleure solution. D'autant que « le risque financier pour l'entreprise n'est pas énorme », remarque Me Jilali Maazouz. Si l'on prend pour référence les montants octroyés par les prud'hommes, « un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse a droit à une indemnité minimale de six mois de salaire s'il a deux ans d'ancienneté. Après moins d'un an, le risque peut être de trois ou quatre mois. »

« Lorsque le directeur de l'entreprise est venu me trouver, huit mois après m'avoir recrutée, pour me dire que je ne lui donnais pas satisfaction, je me suis sentie soulagée, confesse Louise (1), responsable clientèle dans une agence de communication. Il ne remettait pas en cause mes compétences professionnelles. Il m'a même recommandée à d'autres sociétés. Il s'agissait plutôt d'un problème d'adaptation. Les qualités que je déployais chez mon précédent employeur - une agence plus grosse - ne servaient plus avec la même pertinence dans cette boîte spécialisée dans l'événementiel. Et je le sentais moi aussi. » Louise est partie sans animosité. Ce qui ne l'a pas empêchée de négocier quatre mois de salaire d'indemnité. Aborder le problème de front présente de plus l'avantage de laisser la porte ouverte à un changement de poste.

Une réorientation est-elle possible ?

Un collaborateur ne convient pas à un type de travail ? Pourtant, ses compétences sont réelles puisque vous l'avez recruté. Peuvent-elles servir ailleurs dans l'entreprise ? Les mutations internes sont plus le fait des grands groupes que des PME. Elles existent aussi chez ces dernières. L'an dernier, Thierry Cot, PDG d'ADM Conseils (enquêtes de satisfaction par téléphone), a voulu se diversifier en ouvrant un cabinet de recrutement. Service dont il a confié la responsabilité à l'un de ses télé-enquêteurs. « Il ne vendait rien. Il n'avait pas assez confiance en lui et lui-même était conscient que ça ne fonctionnait pas. Cette histoire m'a coûté environ 30 000 euros avant que je ne me décide à m'en séparer. Cependant, je l'appréciais, je ne voulais pas qu'il s'en aille. » Le départ d'un responsable de centre d'appel va lui donner l'occasion d'éviter le licenciement : il confie ce service à son télé-enquêteur. « Il s'est formé sur le tas, et convient parfaitement. »
Tout sauf céder à la tentation du placard !
Les employeurs tentés de placardiser un collaborateur en situation d'échec ont tout intérêt à y réfléchir à deux fois. « Cela nuit à tout le monde, rétorque François Enius, d'Absylon. Conserver un employé à ne rien faire risque de briser la dynamique dans l'entreprise. Le placard est l'option des gens qui ne savent pas décider. Or un chef d'entreprise est là pour ça ». En réalité, la « dévitalisation progressive du contrat de travail » (c'est la désignation juridique du placard) intervient sur le long terme. « Elle révèle une détérioration des relations de travail imputable ou non à l'employé et ne reposant pas toujours sur des éléments rationnels », précise Me Maazouz. En clair : les placardisés sont des gens dont la tête ne revient plus à leurs responsables.

Les erreurs de casting étant souvent dues à un recrutement négligé, le premier moyen de s'en prémunir semble donc de soigner cet exercice. Et pour cela de respecter certaines règles comme la préparation minutieuse des entretiens, la constitution d'une grille d'analyse rigoureuse, etc. Demander au candidat d'effectuer un test est un excellent moyen de vérifier ses compétences. « La jurisprudence considère le test licite dès lors qu'il est très court et qu'il a pour but exclusif d'évaluer la personne », explique Me Maazouz.


Le meilleur remède préventif : la période d'intégration

La période d'intégration est souvent bâclée, elle aussi. « Trop d'entreprises sous-estiment encore cette phase », regrette Janine Perez, directeur régional de l'Apec. Or « c'est dans les trois premiers mois suivant son arrivée que le nouveau salarié a besoin d'accompagnement, insiste Nathalie Esnault, formatrice à la Cegos (2). Les entreprises ont l'impression que le candidat va se couler dans le moule. Mais ce
n'est jamais gagné d'avance. »

Côté recruté, le maître mot en la matière est la « considération ». Chez Photo Service, où le turnover est important, c'est par la formation et le renforcement du programme d'intégration que l'entreprise fidélise ses troupes. « A leur arrivée, les nouveaux reçoivent deux jours de formation sur la société et son service clients. Ils en ont trois autres dans les six mois suivants. Ainsi informés et pris en considération, ils sentent qu'ils comptent pour nous », estime Simon Penny, directeur de la formation.

Côté recruteur, le pilier d'une intégration réussie est la communication. Il ne faut pas hésiter à fixer à la nouvelle recrue des objectifs précis et à réaliser des entretiens réguliers (au moins un par mois) pour vérifier qu'elle remplit ces objectifs et - éventuellement - qu'elle s'explique sur les points d'achoppement. La période d'essai doit bien sûr être la plus longue possible. « A condition que le salarié soit mis en condition de travail le plus vite possible. Il faut déceler ce que l'on peut lui demander et ce dont il va avoir besoin pour être opérationnel », indique Maryse Baïa, directrice d'Elan Conseils (voir l'encadré ci-contre). « La décision de poursuivre ou non la collaboration s'annonce quinze jours avant la fin de la période d'essai, avertit Me Maazouz. Le préavis doit être respecté. » L'idéal est d'écrire un rétro-planning sur lequel on notera toutes les étapes : suivi régulier, entretien d'évaluation, date du préavis. « Il est très important de se donner les moyens de prendre la bonne décision après la période d'essai », conclut Janine Perez.

Les erreurs de casting n'ont rien d'inéluctable. Mais, pour prendre, la greffe demande un minimum d'efforts et de précautions.